Depuis le retour de la démocratie sur le continent, les sociétés africaines s’interrogent sur l’utilité des observateurs internationaux qui légitiment toujours le pouvoir en place, quelles que soient les irrégularités du scrutin. Dans une interview accordée à la presse togolaise, que nous publions in extenso, le président de l’ONG Plan international pour la démocratie et la paix en Afrique (PIDPA), Jean Marie Ngondjibangangte, revient sur la problématique des élections en Afrique et le rôle des observateurs, dont il estime qu'ils doivent surtout constater si les anomalies pèsent davantage que les points positifs sur la crédibilité de l'élection. |
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© D.R. L'opposition gabonaise multiplie les manœuvres pour invalider l'élection présidentielle du 30 août 2009. | |
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Quels sont les objectifs de Plan international pour la démocratie et la paix en Afrique ? «C’est une Organisation non gouvernementale (ONG) internationale qui œuvre dans le domaine de la bonne gouvernance et de la démocratie en Afrique. Nous œuvrons également dans la médiation de conflits et la communication institutionnelle en matière de paix et de non violence, l’observation des élections ainsi que la formation. Nous avons déjà couvert des élections dans 23 pays en Afrique depuis 2003. Nous avons été en Guinée-Bissau pour une mission de paix avant le renversement du président Koumba Yala, ainsi qu’au Burundi.
Quel est le scrutin le plus difficile que vous avez observé ? Toutes les missions sont difficiles, parce que quand on parle d’élection, il y a des tiraillements. Mais, la mission d’observation la plus difficile, c’était en 2008 au Tchad peu après l’incursion des rebelles aux portes de la Présidence à Ndjaména.
Comment se passent les missions d’observation ? Notre organisation va toujours vers les Etats, pour demander à effectuer des missions d’observation. Ce ne sont pas les Etats qui viennent vers nous. Nous adressons une demande à la Commission électorale nationale, trois mois avant le scrutin. Si elle juge que nous avons les compétences, elle nous autorise à y participer.
Quelles sont vos sources de financement ? Nous sommes en collaboration avec des ONG-sœurs du Nord qui nous aident. Chaque année, nous élaborons également un plan d’action que nous soumettons à plusieurs institutions tels l’Union africaine, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’Union économique et monétaire ouest-africaine, la Communauté économique et monétaire des Etats d’Afrique centrale, le Programme des Nations unies pour le développement. Selon ce plan d’action, elles peuvent prendre en charge certaines rubriques.
En vous autorisant à venir observer des élections, ne constituez-vous pas une onction pour les pouvoirs en place ? Ce n’est pas le gouvernement qui nous autorise à observer les élections dans un pays, mais l’institution indépendante chargée d’organiser les élections. Quand on finit la mission d’observation, on transmet un rapport à cette institution et à nos bailleurs de fonds.
Êtes-vous réellement indépendant, d’autant que vous avez besoin de ressources ? Au Burkina Faso, lors de l’élection présidentielle de 2005, notre ONG a déployé 139 observateurs de 17 nationalités différentes. Nous n’avons bénéficié même pas d’un verre d’eau. Cela veut dire que nous avons travaillé en toute indépendance et en toute impartialité. Nous ne produisons pas des rapports de complaisance. C’est comme cela que nous travaillons partout.
D’une manière générale, les observateurs internationaux ont une bonne appréciation du déroulement des élections ? Le jeu démocratique est une œuvre humaine, donc imparfaite. Ce qui fait qu’il y a toujours des irrégularités. Il n’y a aucune élection parfaite dans le monde, même dans les vieilles démocraties occidentales comme les Etats-Unis. Nous mettons sur la balance, les bons points et les mauvais points. Si les irrégularités pèsent plus que les régularités, nous disons que l’élection ne répond pas aux normes de la démocratie. Mais par contre, si le bon déroulement pèse plus que les imperfections, nous disons que les irrégularités ne sont pas en mesure d’entacher l’élection. Par exemple, en 2008 au Ghana, au deuxième tour, il y a eu des petits problèmes et même des casses à Tain et j’étais là-bas. Mais l’élection présidentielle s’est bien déroulée dans l’ensemble. Et nous l’avons relevé dans notre rapport d’observation.
Y a-t-il des critiques objectives faites aux observateurs ? Il y a des gens qui disent que les observateurs viennent à trois jours du scrutin et concluent qu’il s’est bien déroulé. Et pourtant, une élection, c’est avant, pendant et après le jour du scrutin. Il faut peut-être venir au moins deux semaines avant pour constater le déroulement de la campagne, vérifier le fichier électoral. Ça c’est une critique constructive. Mais nous ne sommes pas "achetés" par les gouvernements.
Étiez-vous au Gabon et au Niger lors de derniers scrutins ? Effectivement, nous étions au Gabon et honnêtement dit, l’élection s’est bien passée. C’est après le jour de l’élection qu’il y a eu des troubles. Il n’y a pas eu de fraudes. En Afrique, les opposants n’ont pas le courage de féliciter les vainqueurs. S’il y avait eu des fraudes, Ali Bongo allait avoir 52% des voix au lieu de 41%. Quant au Niger, le référendum s’est également bien déroulé. C’est plutôt les opposants qui ont refusé de prendre part au référendum et tentent de jeter le discrédit sur son déroulement. La politique de la chaise vide n’est pas bonne.
Comment voyez-vous la facilitation du président Blaise Compaoré pour la sortie de crise en Guinée ? Le président Blaise Compaoré a beaucoup d’expérience en matière de médiation. On a vu son œuvre notamment au Togo et en Côte d’Ivoire. Ouagadougou a été le médicament pour un retour de la paix dans ces pays. Blaise Compaoré est un homme pétri d’expérience et de sagesse. La Guinée est un cas difficile. Après le président Sékou Touré, Lansana Conté et Moussa Dadis Camara ont pris le pouvoir par les armes et le pays secoué de violences. Le président Compaoré lors de son récent séjour à Conakry, a établi les bases solides pour une sortie de crise et toutes les parties ont convenu de se rencontrer, très prochainement, à Ouagadougou. Comme l’a dit Blaise Compaoré, la sortie de crise dépend d’abord des Guinéens qui doivent accepter de discuter franchement.
Le chef de a junte, Moussa Dadis Camara, peut-il se présenter à la présidentielle ? Il faudra mettre sur pied une équipe gouvernementale de transition qui aura pour mission d’organiser une élection présidentielle transparente à laquelle pourront se présenter tous les Guinéens qui le veulent dont le chef de la junte Moussa Dadis Camara». |