La vente de filles touarègues par internet
La vente de filles touarègue par intenet
Le mariage de jeunes filles – et même de fillettes – avec des Nigérians prend de l'ampleur à Agadez. Confinés d'abord à de petites communes comme Aderbissanet, Ingall ou Tchirozérine, la pratique du mariage précoce à des inconnus étrangers fait de plus en plus de victimes parmi les jeunes filles d'origine touarègue..
Le coup de gueule de R. Alassane, agent dans une société de téléphonie de la capitale de l'Aïr, est édifiant : « Je trouve proprement scandaleux que les pouvoirs publics laissent se développer un tel trafic sans même enquêter ! Je comprends que des gars viennent jusqu'à Agadez (au Niger) pour trouver la perle rare car chacun a droit de chercher celle ou celui qui lui convient. Mais quand cela devient un business pour un mec qui a pignon sur rue, qui fait des repérages et qui envoie des photos de filles par Internet moyennant commission, je dis que ce n'est pas clair! ». « Je suis scandalisé de voir que des parents désoeuvrés vendent purement et simplement leurs filles, souvent mineures et encore sur les bancs de l'école, à des inconnus moyennant quelques millions, ajoute R. Alassane. C'est révoltant ! » À Agadez, les quartiers de Sabon Gari, Misrata et Dagmanett – habités en majorité par des Touaregs – seraient les plus touchés par le phénomène.
« L'indigence des familles explique cet état de fait puisque dans la plupart de cas les parents n'ont rien à offrir à leurs enfants, dit Kabirou Souleymane, un jeune étudiant en sociologie à l'Université de Niamey.
Et il n'y a pas que les Nigérians qui viennent jusqu'ici pour se marier avec des enfants. Le même trafic est en cours actuellement avec des Libyens. Ouvrez l'oeil et vous verrez qu'il y a de gens qui ne vivent que de ça à Agadez ! » Il n'est pas le seul à l'avoir remarqué.
« Une fille de 15 ans de mon quartier a été mariée à un commerçant du Nigeria moyennant neuf millions de FCFA, s'offusque Khamma, infirmier à Agadez.
Le comble, c'est qu'elle n'a même pas vu son mari avant la cérémonie! ».
Ces prétendants venus du Nigeria voisin embauchent un "dénicheur" nigérien chargé de trouver la "marchandise".
A.M., une des victimes de ces mariages d'un autre âge et qui a requis l'anonymat, affirme que leur complice à Agadez s'appelle A. Il cherche par tous les moyens à entrer en contact avec une belle fille ou une des ses amies pour avoir une photo. Il fait miroiter ensuite à sa "proie" un avenir enchanteur et lui vante les atouts d'un ami qui l'aurait déjà remarquée!
A.s'éclipse ensuite un moment d'Agadez avant de réapparaître chargé de petits cadeaux – étoffes chères, bijoux en pacotille ou téléphone portable – qu'il présente comme provenant du mystérieux prétendant.
Naïve, la jeune fille tombe dans le piège. A. demande alors à rencontrer les parents pour leur parler mariage ! Une fois le terrain déblayé, il informe son client et la photo scannée et envoyée par mail sert de pièce à conviction.
Contacté par une source du journal Aïr Info, A. se défend bien d'avoir jamais obligé une famille à marier leur fille. « Je vous assure que ce sont elles qui me contactent pour que je leur rende ce service ! Je ne fais que rapprocher parents et prétendants, c'est tout ! »
Si certains parents se plaignent de A., qu'ils jugent à l'origine de trop d'unions éphémères, d'autres par contre affirment que l'entremetteur est une aubaine. Tounfana G., une mère de famille, n'y va pas par quatre chemins : « Je préfère marier mes filles à n'importe qui que de les laisser traîner dans les rues d'Agadez et contracter des grossesses indésirables.
Le mariage, c'est la sunna du prophète Mohamed. »
Unions éphémères
La plupart de ces unions ne durent qu'un temps.
Trompées et exploitées sexuellement, ces filles devenues très tôt femmes ruminent les péripéties vécues en lieu et place de l'eldorado promis! Plusieurs jeunes filles, qui étaient encore à l'école quand le prince charmant les a fait venir chez lui, reviennent brisées et déçues par leur aventure.
« J'ai passé plusieurs nuits dans une maison close, d'où je n'avais pas le droit de sortir ou même de causer avec les gens, affirme G, une jeune femme de retour maintenant à Agadez. Parfois mon mari ne revenait que la nuit. Il disait qu'il cherchait une maison de location où on allait habiter. C'est quand la propriétaire de la maison m'a demandé de partir parce qu'il ne l'avait pas payée que j'ai su que j'avais épousé un menteur! »
Aïcha est aussi victime d'un mariage précoce. La jeune mère de 17 ans n'a passé que quelques mois chez son mari à Kaduna, la grande ville du nord du Nigeria. Quelques mois lui ont suffi pour le jauger :
« Un obsédé sexuel qui court derrière toutes les femmes, dit-elle.
J'étais déjà tombée enceinte de lui avant de découvrir son vrai visage ».
Revenue à Agadez pour accoucher de son premier fils comme le veut la coutume, elle jure de ne plus remettre pieds au Nigeria. « J'ai vécu l'enfer à Kaduna ! Mon mari m'a caché d'abord ses deux autres épouses et, pire, il a eu le culot de revenir à Agadez prendre une quatrième femme, touarègue comme moi. »
Aïcha ne veut plus entendre parler de mariage. Elle s'occupe seule de son nouveau-né qui n'a pas encore vu son père. Ce dernier a juste envoyé quelques sous pour le baptême. « Je regrette d'avoir abandonné l'école », confie la jeune mère. Plus la jeune fille est belle, plus la dot à verser est grande.
Officiellement fixé à 15 ans, l'âge minimum légal du mariage n'est pas respecté par les oulémas.
Malam Ismaghuila, imam d'une mosquée d'Agadez, est intraitable :
« Un père peut donner sa fille en mariage même à dix ans ! L'essentiel est que le conjoint ne s'approche d'elle que lorsqu'elle aura atteint la majorité… »
Des filles d'ici, des touarègues issues pour la plupart de familles démunies partent au Nigeria pour un séjour de plusieurs mois ! Il faut avouer que la majorité d'entre elles sont vraiment belles. Elles reviennent avec des motos et véhicules de luxe ». Ce commerce de la chair fraîche ne touche pas que le grand voisin du Sud.
Les pays arabes aussi sont entrés dans la danse. « Au niveau du comité local d'Enfance en difficulté, 328 enfants tous sexes confondus ont été rapatrié 328. Rien qu'en 2008, 150 enfants dont huit filles mineures ont été pris en charge.
Le problème du mariage précoce commence à intéresser la justice.
Il existe une « problématique en droit nigérien concernant le mariage car tout problème de mariage précoce est renvoyé au coutumier, même si l'enfant est éduqué ! Il est dit seulement dans la loi nigérienne que l'école est un droit mais pas obligatoire à la différence d'autres pays ! Il est donc impossible d'agir sans verser dans l'illégalité… »
Cependant, quand le juge est saisi conformément à l'article 13 de la loi 99/11 du 14 mai 99, qui prévoit que seuls l'enfant, les parents, les tuteurs ou le procureur de la République sont habilités à saisir le juge en pareille circonstance, la justice peut intervenir. « Un Nigérian avait envoyé plus de un million de FCFA pour couvrir les dépenses du mariage avec une très jeune fille. Le mariage fut scellé mais avant que l'épousée rejoigne son mari, le tribunal a été saisi de l'affaire et le juge a annulé le mariage. » Ce que confirme Seyni Saïdou, juge d'instruction près le tribunal d'Agadez. « Les mariages précoces sont une réalité et il faut encourager la répression des acteurs de tels trafics, passeurs, et autres proxénètes. Ceux qui ont connaissance de cela comme les associations, les ONG ou même les victimes doivent le dénoncer auprès des officiers de police judiciaire ou directement au Parquet. »
Le juge d'instruction regrette aussi qu'au Niger les mariages soient régis par les coutumes, qui permettent aux parents de donner leurs filles en mariage à qui ils veulent et quel que soit leur âge. « Des règles coutumières contraires aux conventions ratifiées par le Niger », martèle-t-il.
A découvrir aussi
- CAN 2009 : La sébile du football nigérien pour Alger
- Le PM emprisonné pourrait être élu Président de la République
- CAN Cadets : Disqualifié, le Niger accuserait le Burkina
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 13 autres membres