Niger: après les enlèvements, peur sur "Areva-ville"
ARLIT (Niger) - "La guerre est à nos portes", s'alarme Rhamar Ilatoufegh, une figure de la société civile d'Arlit: après le rapt de sept étrangers par Aqmi, la vie continue dans cette cité du nord nigérien, mais sans effacer la peur tombée sur "Areva-ville".
A plus de 1.200 km au nord-est de Niamey, la ville où ont été kidnappés le 16 septembre cinq Français, un Malgache et un Togolais - pour l'essentiel des collaborateurs du groupe nucléaire français Areva et de son sous-traitant Satom (Vinci) - est une sorte de bout du monde.
Pour parvenir au site d'extraction d'uranium, au bord du désert, il faut parcourir pendant près de cinq heures une mauvaise piste qui part d'Agadez, à seulement 240 km au sud. Sous bonne garde: on doit s'insérer dans un convoi encadré par l'armée nigérienne.
Car des "bandits armés" sévissent dans la région, souvent d'ex-combattants de la dernière rébellion touareg (2007-2009) qui réclamait une meilleure répartition des juteux revenus miniers. Rompus aux braquages, d'anciens rebelles perdus auraient aussi prêté main forte à Al-Qaïda au Maghreb islamique pour les rapts récents.
Près du massif montagneux de l'Aïr et à 200 km de l'Algérie, Arlit étale sur un paysage lunaire ses gigantesques installations extractives et ses habitations.
Très peu visible en ville en journée, l'armée "sécurise" ce territoire immense. Des renforts sont "attendus", confie une source sécuritaire. Pendant ce temps, l'enquête tente de débusquer des "complicités". Niamey et Areva ont pour l'heure cessé de se renvoyer la responsabilité de la défaillance.
La peur a eu un premier effet à Arlit: il n'y a plus de "Blancs" dans les cités Somaïr et Cominak, les lotissements pour le personnel employé sur les deux gisements d'uranium dont ils portent le nom. Areva et Vinci ont évacué leurs expatriés en urgence.
Les résidences, celles proprettes des cadres et celles plus modestes des "O.E." (ouvriers et employés), abritent toujours les salariés nigériens ou africains. Sous le soleil de plomb, les ruelles de cette "Areva-ville" ont un aspect fantomatique.
Dans la résidence où ont été capturés cinq salariés de Satom, "ce qui a été cassé a été réparé", explique à l'entrée un vigile à l'allure débonnaire, pour éconduire la poignée de journalistes confiés à un guide et un soldat.
Plus loin s'étend la "ville induite": la localité née presque en même temps que le site à la fin des années 1960, avec l'implantation de petits commerçants attirés par le nouveau pôle économique. Elle compte aujourd'hui plus de 100.000 habitants.
Dans l'une de ses rues poussiéreuses aux maisons basses et ocres, au siège de l'association dont il est secrétaire général, Rhamar Ilafoutegh a encore du mal à le croire: cette fois, les jihadistes "sont entrés dans la ville".
"Les gens ont peur", dit-il à l'AFP. Il appelle à prendre en compte les ex-rebelles pour éviter qu'ils ne soient "tentés" par Aqmi et "l'argent facile".
Mohammed Gabda, conseiller pédagogique, exprime une autre crainte largement partagée: que l'activité économique ne décline.
"Satom a déjà mis en chômage technique" presque tous ses employés sur le site, affirme-t-il. "Si vraiment ils sont là pour le développement, avec des garanties de sécurité ils doivent revenir".
Mais le géant nucléaire Areva, lui, poursuit sa quête d'uranium à plus de 200 m de profondeur.
Après le départ des expatriés, "on s'est très vite organisés", lâche simplement un membre de l'encadrement.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 13 autres membres