Tandja face à son armée
Résumé de l'article Écrit par Christophe Boisbouvier (Jeune Afrique N° 2551 ) (Le Démocrate du Mardi 1er Décembre 2009)
Des tracts qui circulent dans les casernes confirment ce que le chef de I’État savait: son armée n’est pas totalement acquise à sa cause… Il s’en méfie, et manie sanctions et récompenses pour tenter de calmer les tensions.
Depuis le 10 novembre, le chef d’état- major de l’armée nigérienne appelle la troupe à ne pas faire de politique. À Agadez, à Tahoua, à Maradi devant les parachutistes, le général Moumouni Boureïma adresse le même avertissement aux soldats: « Je vous mets en garde contre toute tentative de remise en cause des institutions de la République. Des tracts anonymes circulent dans les casernes depuis plusieurs semaines. «Acte n°1», « Acte n°2 », etc., condamnent l’accueil réservé aux quelque huit cents ex-combattants touaregs ou affirmant qu’après le 22 décembre, date initiale de la fin de son mandat, le président Tandja ne sera plus légitime. Selon ce texte, c’est justement parce que l’armée nigérienne est républicaine qu’elle ne peut reconnaître la légalité du pouvoir actuel au-delà du 22 décembre.
Mamadou Tandja prend la menace au sérieux, il sait qu’il existe dans son armée une culture du coup d’État. (en 1974,1996 et 1999).
Aujourd’hui, deux des figures du putsch de 1999 sont toujours aux affaires. Ce sont le général Moumouni Boureïma lui - même, dit Tchanga ..., et le colonel Djibrilla Hima Hamidou, dit Pelé, commandant de la zone militaire de Niamey.
« Depuis le début de son bras de fer avec les juges et la classe politique, Tandja multiplie les cadeaux, confie un gradé. Pour les officiers les plus en vue, le tarif, c’est une villa clé en main et un viatique de 20 à 50 millions de F CFA [30500 à 76000 euros, NDLR]. » Outre Tchanga, qu’il reçoit presque tous les jours, il choie quatre généraux : Seyni Garba, l’adjoint de Tchanga ; Mamadou Ousseini, chef de l’armée de terre ; Salou Souleymane, chef de l’armée de l’air ; et Abdou Kaza, conseiller national à la sécurité et ancien aide de camp du chef de l’État.
Mamadou Tandja s’occupe de sa garde présidentielle : six cents hommes commandés par Hamidou Maigari... Le chef de l’État ne néglige pas non plus les chefs des principales unités de province (Maradi, Zinder,Tahoua, Agadez, etc.).
En août dernier, le colonel Garba Maikido n’a pas voulu faire allégeance. Aussitôt, il a été limogé de son poste de chef d’état - major adjoint de l’armée de terre et remplacé par un fidèle du régime... Était -ce aussi un avertissement feutré au patron de l’armée de terre, le général Mamadou Ousseini, qui n’aurait pas été l’un des plus farouches partisans de la réforme constitutionnelle du mois d’août dernier ?
Comme Garba Maikido est estimé dans les casernes pour sa bravoure au combat, il n’a pas été mis aux arrêts, ni rayé des cadres de l’armée. Après la diffusion des tracts anonymes dans les casernes, une dizaine de jeunes officiers - avec grade de commandant ou de capitaine ont été longuement interrogés ... puis tous relâchés.
Le chef de l’État s’appuie aussi sur ses services de sécurité. L’homme fort dans ce secteur, c’est Albadé Abouba, ministre d'Etat en charge de l'Intérieur, de la décentralisation et de la sécurité publique.
Autre homme clé : l’ancien commissaire de police Issoufou Sako, l’actuel directeur du centre de documentation d’État. « Il a des dossiers sur tout le monde. » Pour surveiller ses compagnons d’armes, le colonel Tandja dispose encore du bureau du renseignement militaire.
Son chef, le colonel Abdoulkarim Goukoye, est aussi porte-parole de l’armée. En juin dernier, quand l’opposant Mahamadou Issoufou a appelé publiquement les forces de défense et de sécurité « à désobéir» aux ordres illégaux du chef de l’État, c’est lui qui a répliqué à la radio d’État en affirmant que l’armée resterait neutre.
Au-delà des’ chiffres officiels, tout indique que les militaires - qui votaient un jour avant les civils - se sont abstenus aussi massivement que les autres Nigériens. « D’après nos informations, seuls 10 % des militaires de Tahoua se sont rendus aux urnes, affirme le FDD (Front de défense de la démocratie).
Pour garder la confiance de la troupe, le président Tandja sait qu’il lui faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Or, à la suite de la suspension du Niger par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le 17 Octobre, l’Union européenne vient de geler son aide au Niger. Les Chinois pourront-ils compenser ce manque à gagner ?
Les PTF, en particulier la France et l'Allemagne, sont-ils prêts à laisser le champ libre à ces Chinois?
L’uranium et bientôt le pétrole aidant, le président Tandja estime que le temps travaille pour lui. Ses adversaires pensent exactement le contraire. C’est tout l’enjeu.
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