WORLD FUTURE - NIGER FUTURE

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Un Voltaïque dans le XXe siècle

Un Voltaïque dans le XXe siècle

par Amady Aly Dieng , samedi 5 décembre 2009 | 110 Lectures

  • Par Joseph Issoufou Conombo
  • L’Harmattan 2003
  • 233 pages

La règle de vie que s’est imposée le docteur Joseph Issoufou Conombo, c’est de « déblayer le chemin pour autrui » - la voie encombrante des turpitudes humaines et naturelles suivie au siècle passé par son pays natal ( la Haute Volta devenu Burkina Faso) et par son pays d’adoption ( la France ). Pour la métropole, ce sera la Seconde Guerre mondiale et la décolonisation graduelle de son Empire avec les répercussions locales en Haute Volta culminant avec l’Indépendance de pays en 1960.

J-J Conombo, élevé dans la tradition des Mossi, a été très tôt choisi pour « être l’enfant du Blanc » (aller à l’école et devenir un bon catholique). Son éducation moderne s’est poursuivie à Bingerville (Côte d’Ivoire) puis à Dakar où il reçoit une formation médicale. Devenu « Tirailleurs Sénégalais », il va contribuer à la Libération de la France du Sud puis de l’Alsace.

Fin 1946, suite aux accords gaullistes de Brazzaville, l’Assemblée de l’Union Française accueille sur ses bancs versaillais les délégués africains fraîchement promus , dont l’auteur qui deviendra après 1954 membre du cabinet Mendès-France puis l’une des chevilles ouvrières de la Haute Volta.

Vers le mois de février 1931, tout était prêt et les élèves étaient répartis par douzaines dans chaque case-cantine. J. Conombo était chef de case étant alors au cours moyen 2eme année (classe du certificat d’études) et réputé bénéficié d’une protection mystique grâce à son père musulman.

Il revenait de vacances cette année-là avec une plaie au front dont tous les enfants, d’un commun accord, se persuadèrent qu’elle avait été faite « exprès » pour pouvoir y introduire le remède de l’intelligence. En effet, doté d’une bonne mémoire mentale et surtout visuelle, il n’avait aucune peine à retenir ou à reproduire ou réciter tout ce qu’on leur apprenait. La fréquentation antérieure de l’école coranique de Ouavoussé l’avait évidemment prédisposé à toute assimilation. En 6 ans et sans redoubler de classe ni céder « sa » première place à personne, il ramassait lors des cérémonies de Remise des Prix marquant la fin de l’année scolaire.

Le 16 juillet 1932, il passait l’examen unique pour tous les candidats des différents chefs-lieux de cercle dans la colonie de Haute-Volta : le Certificat d’Etudes Primaires indigène. Le même jury présidé par L’Inspecteur de l’Enseignement primaire, voyageait de cercle en cercle et parvenait à énoncer les résultats le soir même des épreuves écrites et orales. A Ouaga, sur 22 élèves, 11 furent admis cette année-là et il fit pour sa part reçu 13e sur 76 admis dans toute la colonie de Haute-Volta. Leur diplôme leur fut pompeusement délivré par le lieutenant-gouverneur de la Colonie et contresigné par Monsieur l’Inspecteur du Primaire.

Parmi les 76 admis au CEPI-E, 36 enfants – dont il faisait partie – étaient destinés à l’enseignement « primaire supérieur » (dit plus tard « secondaire », tandis que les 40 autres étaient dirigés vers des écoles professionnelle qui formaient des mécaniciens, des menuisiers, des maçons.

Désormais, il allait vivre en internat et y côtoyer les autres élèves venus de tous les coins du pays et appartenant à d’autres ethnies que les siens. Voilà quel a été le début du brassage national véritable de populations et d’habitudes culturelles qui leur étaient inconnues aux uns aux autres jusqu’alors. Après six mois de vie commune, les élèves voltaïques se connaissaient bien par les contacts et amitiés en classe, au dortoir, à la cantine, au sport, aux récréations et le partenariat obligatoire dans les travaux de jardinage et maraîchage imposés par l’Ecole. Les mentalités évoluaient et il a lié au cours de ces années de fructueuses et durables amitiés. C’est peut-être à ces origines que remontrent mes meilleurs amis qu’il a toujours retrouvé par la suite avec un grand plaisir. Il entrait donc le 15 septembre suivant à l’école primaire supérieure (EPS) (située sur l‘actuel emplacement du lycée Mandela de Ouaga) devenant ainsi et de plus en plus profondément « l’enfant du Blanc » et, comme on disait couramment à l’époque, dressé « à connaître le Papier ». Le 1er novembre, la Haute Volta est supprimée pour des raisons non évoquées par l’auteur. II s’agissait d’économiser les ressources de la Fédération d’AOF amoindries à la suite des effets de la grande crise de 1929. On avait pensé supprimer la Mauritanie , Mais on y a renoncé à cause des difficultés éprouvées pour administrer un territoire où vivent des nomades. Le pays est partagé entre trois voisins : à l’ouest le Soudan, à l’est le Niger et au sud la Côte d’Ivoire. 1°) Trois cercles ont été rattachés au Soudan français (actuel Mali) qui avait besoin d’une main d’œuvre massive pour les projets géants de mise en valeur du fleuve Niger , avec le creusement du barrage de Markala et Sansanding, de même pour la culture du riz irriguée dans les vallées inondées et surtout la production à grande échelle de l’or blanc du futur Mali, le coton destiné avant tout à l’exportation vers la France. 2°) Les cercles immenses de Gourma et Liptako ont été rattachés au Niger. 3°) La « fourmilière humaine » (désignée ainsi par les colons Blancs) allant de Banfora à Tenkodogo, englobant tout le plateau Mossi, les pays Lobi, Gourounsi, Bobo et Bissa serait rattachée en un ensemble baptisé « Haute Côte d’Ivoire » à la Côte d’Ivoire pour diverses raisons économiques mais aussi politiques dont la principale était de mettre à la disposition des planteurs ivoiriens ou métropolitains une masse considérable de manœuvres corvéables à merci, à prix défiant toute concurrence, pour exploiter les richesses potentielles d’un territoire trop peu peuplé (bois précieux, noix de coco et noix de kola, palmistes et bananes, agrumes et ananas, les cultures montantes café-cacao et les ressources marines…). Après de multiples péripéties, J. Conombo réussit à être admis au concours d’entrée à la Grande Ecole qui était isolée sur l’île historique de Gorée.

Les élèves venant d’autres territoires que le Sénégal débarquèrent flanqués de leurs cantines remplies de provisions du village pour toute l’année : couscous et dégué pour les Soudanais, les voltaïque et les Nigériens ; gari, tapioca, fritures d porcs nageant dans l’huile de palme pour les Côtiers… L’Ecole les a traditionnellement répartis par Colonie dans des bâtiments où la vie en commun leur imposait une certaine discipline et la répartition des tâches domestiques : la corvée des brocs d’eau pour celui qui doit remplir chaque matin la cuvette de toilette de ses camarades de chambre ; la corvée de balai pour le préposé au nettoyage quotidien de la pièce et ce avant les classes ; le contrôle pour le responsable de chambre qui doit s’occuper des malades et/ou des autres problèmes à régler.

Tous les professeurs étaient des Français européens, c’est-à-dire des Blancs. L’année scolaire 936-1937 fut particulièrement active. On a demandé aux élèves de préparer une pièce de théâtre, « par pays d’origine » ; Ils ont monté des scènes folkloriques caractéristiques « par excellence » de la vie sociale, de l’histoire ou des légendes de chez eux.

A l’époque (en 1936-1937), il n’y avait en Afrique Occidentale Française qu’un seul établissement d’enseignement secondaire : le Lycée Faidherbe de Saint-Louis du Sénégal, destiné en principe aux enfants des « citoyens français » et, rares exceptions, aux enfants de grands chefs traditionnels et aux rejetons pistonnés par des religieux ou autres autorités publiques. Les places étaient donc réservées en priorité aux enfants des quatre communes du Sénégal, « citoyens français ». Enseignés par les mêmes professeurs selon les mêmes programmes, étant admis aux mêmes examens ou concours scolaires, ils étaient sanctionnés de façon discriminatoire ; les résultats pour les « citoyens français » se concrétisaient par l’obtention du diplôme du Baccalauréat de l’Enseignement Secondaire tandis que pour les indigènes, sujets français, la récompense s’intitulait « Brevet de capacité coloniale ».

Concernant les Nègres indigènes, sujets français, tout était dénié et en particulier les portes du Savoir approfondi leur étaient délibérément obstruées. Des études primaires : Oui. Des études secondaires avec les humanité gréco-latines ». Non. A cause de cette inéquité imbécile, des hommes comme Louis Béhanzin du Dahomey, François Amorin du Togo, et tous ceux que leurs parents riches avaient pu envoyer en France tels Akobé Noël William Jacob de Côte d’Ivoire, ont vite fait de constituer la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France : la très célèbre FEANF qui a secrété tant de d’aigreur, de rancune en France et aussi à travers toute ‘Europe de l’Après-Guerre.

Tous les fils de chefs ou de notables ont été dirigés vers l’école des fils de chefs, c’est-à-dire transférée de Kayes soit à l’Ecole Pinet-Laprade de Dakar, soit vers la section administrative de l’Ecole normale de Gorée. Ainsi L’Ecole Normale William Ponty est-elle devenue un haut lieu de formation et la pépinière des instituteurs, des Grands commis de l’Etat sortis ensuite de l‘Ecole nationale d’Administration. Il manquait une formation des responsables de haut niveau dans les domaines de la santé humaine et animale.

C’est alors que fut créée dans l’Ecole Normale une section préparatoire aux deux grandes Ecoles médicales :

- L’Ecole de Médecine instituée depuis 1919 à Dakar, dont sortaient médecins, pharmaciens et sages-femmes « indigènes ». Après un an de préparation à William-Ponty, un concours sélectionnait les admis à l’Ecole de Dakar.

- - L’Ecole vétérinaire de Bamako installée judicieusement au centre géométrique de la région sahélienne propice à l’élevage. Après un an de cours préparatoire, les futurs vétérinaires quittaient Gorée cette fois pour Bamako.

- J. Conombo a été élève à l’Ecole de médecine Jules Carde de Dakar fondée vers 1919 (d’octobre 1938 à Juillet 1938) Cette école a été fondée à Dakar sous le mandat du gouverneur général Jules Carde.

Le nombre d’élèves a considérablement augmenté. L’exiguïté et la vétusté de l’Ecole ont abouti à la déconcentration de William-Ponty dont une partie des effectifs dans lesquels il figurait fut transférée en 1937-38 à Sébikotane, à l’intérieur des terres de la presqu’île sénégalaise du Cap-Vert. Cette bourgade était alors distante d’une cinquantaine de kilomètres de Dakar.

J. Conombo donne des informations fort intéressantes sur l’Ecole de Médecine Jules-Carde de Dakar (octobre 1938 – juillet 1942). Il traite de l’AOF prise dans la Seconde Guerre mondiale. Il évoque la démobilisation des tirailleurs sénégalais, sa présence en Alsace et les élections de 1945 portant sur les projets de Constitutions de la République française. Il ne manque pas de donner des informations précieuses sur les tragiques événements de Thiaroye où des tirailleurs sénégalais furent fusillés le 28 novembre 1945. Il écrit : « L’Afrique se souviendra de cette ignominie commandée par des gradés de l’Armée française, et ignorée jusqu’ici par le Haut-Commandement militaire. « Douga », le chant guerrier épique écrit par le grand musicien guinéen Fodéba Kéita pour honorer la mémoire des Martyrs de Thiaroye, se transmettra de génération en génération ».

Ce livre qui contient de riches renseignements mérite d’être lu par les jeunes générations de chercheurs africains. Il ouvre des pistes de recherches sur la vie quotidienne, l’histoire économique et sociale, l’architecture de l’enseignement colonial de l’AOF couronné par les Grandes Ecoles fédérales comme l‘Ecole Normale William-Ponty, l’Ecole vétérinaire et l’Ecole des travaux publics de Bamako, l’Ecole Normale des Jeunes filles de Rufisque, l’Ecole africaine de Médecine et de Pharmacie, etc.



07/12/2009
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