WORLD FUTURE - NIGER FUTURE

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Avenir sombre des voyagistes au Sahel

Sahel - Maurice Freund, fondateur du Point-Mulhouse puis de Point-Afrique réduit la voilure

Le Point de non-retour ?

Maurice Freund au début des années 2000 dans le désert mauritanien alors sûr.  Photo ER

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Dans les années soixante, personne ne parlait de commerce équitable, de tourisme solidaire, de vacances éthiques, notions généreuses mises aujourd’hui à toutes les sauces, mais souvent dévoyées à des fins mercantiles. À l’époque, deux hommes n’ont pas attendu que les mots soient inventés pour mettre ces belles idées en pratique. Ils ont ferraillé avec les pouvoirs publics pour briser les monopoles et démocratiser le transport aérien en lançant les premiers vols charters.

Le premier l’a fait dans son style impétueux et flamboyant : c’est Jacques Maillot, le père de Nouvelles Frontières devenu numéro un des tour-opérateurs. Le second l’a jouée beaucoup plus sobre, ne s’écartant jamais de l’idéal des débuts : c’est Maurice Freund, fondateur du Point-Mulhouse, association à but non lucratif.

L’un a vite veillé à faire prospérer son affaire, surveillant les bilans et multipliant les destinations, l’autre est constamment resté fidèle aux idéaux du premier jour, malgré mille difficultés toujours surmontées. Pendant plus de trois décennies, Maurice Freund a fait face à toutes sortes d’épreuves, toujours motivé par la farouche volonté d’aider un continent africain dont il ne s’est jamais écarté, investissant les bénéfices de sa nouvelle coopérative, Point-Afrique, dans des programmes d’aide aux populations locales.

Pour la première fois, suite aux derniers événements du Sahel, le fondateur de Point-Afrique apparaît dépassé par les événements. « C’est la guerre », dit-il, contraint de rendre – partiellement – les armes.

Lors de l’attaque de touristes français au nord de la Mauritanie, il avait été l’un des seuls voyagistes, avec ses amis d’Allibert et d’Acabao, à maintenir la destination à son programme, contre l’avis du Quai d’Orsay mais avec les encouragements intéressés des responsables mauritaniens. Il partageait avec eux l’avis qu’il s’agissait d’un acte isolé et que ses voyages pouvaient se poursuivre en toute sécurité plus au sud, loin de la zone sensible. Mais avec les enlèvements de Pierre Camatte, l’exécution de Michel Germaneau et le tout récent rapt des cinq Français d’Areva à Arlit, les données ont changé ; c’est quasiment toute la zone sahélienne qui est sous la menace des extrémistes d’Al Qaïda au Maghreb islamique et le risque est devenu beaucoup trop grand.

La semaine dernière, quelques heures à peine après son retour du Mali et du Niger où il venait de rencontrer les autorités et ses amis touareg, Maurice Freund a annoncé, la mort dans l’âme, sa décision de quitter l’Algérie, le Niger, la Mauritanie et le nord du Mali, seule la desserte de Mopti (qui donne accès au Pays Dogon) étant conservée. Une décision qui l’afflige car elle l’oblige à se séparer d’une grande partie des quelque 150 salariés du Point-Afrique, parmi lesquels beaucoup de locaux. Sans compter toutes les familles qui, sur place, bénéficiaient des retombées d’une industrie touristique désormais sinistrée, et vont retourner à leurs bidonvilles dans les périphéries de Niamey ou de Bamako.

Ce qu’il a vu et entendu sur place ne laisse pas de place au doute : le danger est extrême, Aqmi suscite de plus en plus de sympathies chez les jeunes Touareg et Maurice Freund n’hésite pas à parler de « somalisation ».

Il pourrait évidemment réorienter son activité vers des destinations rentables et sûres, choisir de voler, par exemple, vers les Canaries ou les Seychelles. Mais l’argent n’est pas sa motivation. Il n’en a jamais gagné beaucoup, préférant l’investir dans le développement de pays qui en ont besoin. Et ce n’est pas à 67 ans qu’il va changer. Alors il réduit la voilure de Point-Afrique dans l’attente d’hypothétiques jours meilleurs. Point final, sûrement pas. Point mort, encore moins. Simple point de suspension… du moins l’espère-t-il.

Bernard MOULIN

Le lundi 4 octobre à 17 h sur France Culture, « Sahara blues », documentaire sur les événements actuels avec la participation de Maurice Freund, de Nicolas Loizillon, président de La Compagnie des Déserts et d’intervenants touareg. À écouter aussi sur www.franceculture.com

Bio express

1943 : Naissance à Guebwiller,

1964 : Premier vol du Point-Mulhouse

1980 : Premier vol vers la Haute-Volta (le futur Burkina Faso)

1988 : Faillite du Point-Mulhouse

1989-1991 : Directeur général d’Air Mali

1995 : Premier vol charter vers Gao, au Mali

1996 : Création de la coopérative Point-Afrique

2010 : Annonce de la suspension des vols vers six aéroports africains



27/09/2010
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